Les enfants de couples mixtes – Vos questions

Des racines différentes et opposées

Un mariage sur deux dans la communauté juive française est un mariage dit « mixte » judéo-chrétien.

Les difficultés observées par des études nord-américaines concernent à la fois les couples et leurs enfants. Certains auteurs, comme Stonequist, démontrent que « la mixité ethnico-religieuse du couple parental est susceptible de fragiliser l’équilibre psychique de ces enfants ». Pour lui, une personne qui s’identifie à deux groupes aux normes différentes, voire incompatibles, vit nécessairement ce conflit comme une difficulté personnelle aiguë.

Une double appartenance?

Cette difficulté d’appartenance entraîne notamment une marginalité psychologique, un excès de « susceptibilité raciale ». On observe une ambivalence émotionnelle et intellectuelle, hypersensibilité, manque de confiance en soi », ainsi que des sentiments d’isolement et de non-appartenance. Erickson parle également d’une « confusion de rôles » qui se produit à l’adolescence « lorsque le sujet constate un décalage entre sa propre perception de son identité et celle qui lui est renvoyée de l’extérieur ».

Une personnalité scindée

D’autres résultats invalident l’hypothèse d’une prévalance de problèmes psychopathologiques particuliers chez les enfants issue de mariages mixtes. Selon les résultats, on observera « une condamnation de principe de ces mariages au nom de la santé mentale de la progéniture » ou une réaction opposée qui « vante les avantages du mariage mixte et la richesse des enfants qui en naissent ».

Difficulté à se construire

Tobie Nathan pose la question du métissage entre juifs et chrétiens en fonction des mondes d’où ils sont issus. Il rapporte qu’ils ont des « logiques, rituels, théories, mythes, définition de la divinité, incompatibles- en tout cas conflictuels ».
Il pose la question de savoir selon quelles croyances et quelle logique ces individus vont se construire. Comment ils vont s’y prendre pour faire coexister des principes qui parfois s’excluent les uns les autres.

Certains observateurs soulignent que décrire ces enfants contribuent à créer des systèmes limitants auxquels ces enfants finissent pas ressembler. Il conclue que donc, les conditions d’observation sont faussées.

Quoi qu’il en soit, la création du concept de « métis judéo-chrétien » met en évidence la particularité des enfants issus des mariages entre juifs et chrétiens. Elle rend compte de la spécificité d’un vécu se situant dans le monde juif, dans le monde chrétien, et dans un troisième système issu des deux autres.

Un paradoxe à vivre au quotidien

Ce troisième système engloberait les deux premiers, s’attachant au judaïsme et au christianisme tout en étant nié par eux… un vrai paradoxe impossible à vivre.

Pour Catherine Grandsard*, juifs et chrétiens se définissent différemment, et même en opposition les uns par rapport aux autres. Sa démonstration s’articule principalement autours de 4 points:

La notion de peuple

Les juifs se définissent depuis longtemps comme un peuple distinct des autres peuples, avec la volonté de le rester ». Le christianisme lui, se situe à l’opposé puisqu’il se propose de mettre tous les hommes au même niveau dès lors qu’il y a adhésion des idées. D’un côté, un « être juif », de l’autre une « pensée chrétienne » définissant les chrétiens comme un « non-peuple ».

Être juif et chrétien en même temps

Catherine Grandsard explique: « …on est juif avant tout par naissance, indépendamment de tout choix personnel. On reste juif même si l’on s’est converti à une autre religion ». (La première partie de l’affirmation n’est pas tout à fait exact, puisque la conversion constitue un des deux moyens de devenir juif, au même titre que celui qui est juif. On peut donc devenir juif tout comme on peut devenir chrétien).

Le caractère »périmé » de la parole divine primordiale

La foi chrétienne est basée sur la conviction que le judaïsme a fait son temps et que les juifs sont dans l’erreur.

Une alliance « illégitime »

Ni les juifs ni les chrétiens n’envisagent de métissage possible; la légitimité des enfants issus de cette alliance est donc un problème majeur pour chacune des deux religions. Le judaïsme ne reconnaît pas de « demi-juif » pas plus que le christianisme n’envisage l’existence de « demi-chrétien ». Ainsi, ces enfants sont placés dans un espèce de no man’s land culturel et cultuel par les systèmes même d’où ils sont issus…

Une difficulté à se penser

Pour Catherine Grandsard, lorsque les enfants de mariages mixtes rencontrent des difficultés, celles-ci se manifestent de manière bien spécifique.
Cette spécificité de leur vécu doit se penser à partir de bases nouvelles selon un concept nouveau- que l’on décide de nommer « métis judéo-chrétien« . Bien que ce concept soit artificiel du fait de l’hétérogénéité des systèmes juifs et chrétiens, il faut néanmoins imaginer un système qui permette à ces enfants de se construire et de se définir eux-même. Pour Catherine Grandsard, si l’on admet ce postulat, alors c’est l’opposition des systèmes qui génèrent les conflits, et non plus les individus.

Certains ont trouvé une solution pour sortir de ce paradoxe: créer un nouveau système qui se baserait sur une redéfinition du judaïsme et du christianisme… cette solution porte néanmoins à confusion, puisqu’elle dénature et laisse en suspens la question: le judaïsme et le christianisme traditionnels actuels peuvent-ils ensembles construire un individu quand ils portent en leur sein la négation l’un de l’autre?

Le rapport de Tobie Nathan montre les résultats de deux analyses opposées sur des enfants issus des mariages mixtes et présente les recherches en ethnopsychiatrie menées à l’Université Paris 8.

* Catherine Grandsard: Docteur en Psychologie, Attachée temporaire d’enseignement et de recherche Université Paris 8.
** Doris Cohen – Psychanalyste

Bonjour. Mes parents sont juifs tous les deux. Ce sont mes grand-parents qui ne le sont pas. Ma mère est convertie et donc ma grand mère n’est pas juive. Mes parents sont devenus très orthodoxes au fil des ans, et ont fait barrage, sur les conseils de leur roche kollel, pour que ma grand -mère ne parle pas trop de son histoire familiale. Ni qu’elle nous communique ses valeurs et ses coutumes.
J’étais trop jeune pour comprendre ce qu’impliquaient les choix de mes parents. Ce n’est que vers la fin de sa vie que je me suis intéressé à ma grand-mère et vis quelle femme extraordinaire elle était. Depuis qu’elle n’est plus là j’essaie de me souvenir par ce qu’elle nous racontait ci et là ce qui était important pour elle dans la vie. Aujourd’hui je suis père, je suis religieux et je transmets la « présence » de ma grand mère à mes enfants. Depuis, je me sens plus à ma place dans le monde. La joie d’avoir rétabli celle de ma grand-mère dans mon histoire est immense. Merci pour cette rubrique. Méir

Bonjour Méir. Merci pour votre émouvant témoignage. Je pense que nous ne pouvons pas nous construire correctement si nous n’avons pas de bonnes et solides racines… toutes nos racines. Certains adultes ont une peur panique que des valeurs hors Thora soient transmises, comme si d’autres valeurs tout aussi sublimes n’existaient pas dans les autres cultures…

Un article de Malka Barneron © copyright 2005-2020
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