Sexualité, masturbation et judaïsme : vos questions

I. Sexualité et Hyper sexualité

Téchouva, kedoucha et sexualité

Je suis entouré de très bons rabanim très ouverts, mais je ne me sens pas à l’aise pour leur poser toutes les questions. Je suis ‘hozer bitchouva et marié depuis 15 ans, j’ai 4 enfants. Au début du mariage j’ai tout fait pour que mes rapports avec ma femme aient lieu dans la Kedoucha, mais au final ça ne se passait pas super bien, ce n’était pas très fluide et ça frustrait ma femme. Finalement je me suis laissé aller à mes instincts et ça va beaucoup mieux, et ma femme est contente également. Mais j’ai des doutes s’il y a lieu d’être permissif comme nous le sommes, et c’est là-dessus que portent mes questions :
On le fait sans couverture et en pleine lumière (pas très tsniout), et même de jour, ce qui, m’a-t-on m’a dit, était plus grave et on pratique différentes choses également. Je sens qu’il y a une partie de moi qui n’arrive pas à fonctionner sans se nourrir d’un peu d’animalité. Notamment je recherche les situations excitantes, et on le fait souvent ma femme et moi, chez sa famille le chabat, et chez sa mère, alors que celle-ci risque de monter à l’étage à tout moment (et cela est très excitant pour nous deux). Merci d’avance pour votre temps. Yochoua

Bonjour Yochoua

Vous posez de nombreuses questions, légitimes, intéressantes et fondamentales ! Vous vous questionnez sur le cadre hala’hique de la sexualité, mais aussi finalement, sur le type de judaïsme que vous voulez vivre.

Des rabbins ouverts

Vous dites que votre rabbin est ouvert, et donc, qu’il a du vous donner des réponses satisfaisantes sauf si… Finalement, il n’est pas aussi ouvert que vous l’auriez souhaité, et que cela ne vous a pas satisfait. Par ailleurs, sachez que dans les écrits, on trouve tout et son contraire : ainsi, le choul’han arou’h encense cet homme qui tremblait à chaque rapport de peur de faire une faute. A contrario,  la Guémarah rapporte l’histoire de ce sage qui déposait des pierres précieuses sur tout le corps de sa femme (tout) et allait les chercher avec sa bouche… Vous avez ici une idée des différentes définir de la relation intime que l’on peut trouver dans les sources juives.

Sexualité et Kédoucha

Dans tous les domaines, le mieux est l’ennemi du bien, en religion aussi. Puisque vous vous tournez vers moi, je vous dirai que la Kédoucha est une affaire personnelle, et que les 2 seuls interdits sont « penser à une autre femme » que la vôtre, et risquer de « vous faire surprendre » (c’est pourquoi il est interdit d’avoir des rapports si une porte ne peut être verrouillée, le saviez-vous ?), surtout si c’est par votre belle-mère…

Risquer de se faire voir dans une affaire qui ne regarde que vous et votre épouse, cela porte un nom en psychologie : l’exhibitionnisme, et en hachkafa : le Znout.
Si le risque d’être observé est pour certains couples une façon de pimenter la vie sexuelle ; cette pratique est à l’antipode de la Kédoucha, pour laquelle la concentration et l’exclusion totale et absolue du regard extérieur est vital. Pourquoi ? Nos Sages répondent que celui qui regarde un couple dans l’intimité ne voit que l’extérieur, et n’a donc pas un bon champ de vision de ce qu’il se passe entre eux… Joli non ?

Fantasme et prise de risque

La situation où vous êtes vu par un proche est votre fantasme à tous les deux,  vous êtes d’accord avec cela et personne n’a à vous comment fonctionne votre imagination et vos visualisations. Il est clair que la Thora considère qu’il est souhaitable que votre femme soit l’objet exclusif de vos fantasmes, et non que votre belle-mère en fasse partie. Mais ici, il ne s’agit pas juste de penser qu’il y a un risque que votre belle-mère vous voit dans le feu de l’action, il s’agit d’un risque véritable.

Vous, votre femme et votre belle-mère

Et là, c’est la thérapeute qui va vous répondre.

Pour revenir à l’exhibitionnisme, voyons maintenant ce que signifie pouvoir « être vu » par votre belle-mère… Et du point de vue de votre femme, « être vue » par sa propre mère. Est-ce qu’il se joue ici un dialogue indirect de votre épouse et sa mère au sujet de choses qu’elle-même n’aurait pas dû voir étant petite. Et du coup, risquer de se faire prendre et surprendre par elle, reviendrait à poser à sa mère la question suivante : « maman, pourquoi faisais-tu ceci ou cela, avec papa ou monsieur Y, ou avec grand-père, etc.« .

Pour vous-même, y a-t-il quelque chose de votre votre histoire où vous avez été vu par une femme qui n’est pas la vôtre ? Extérieure ou non à votre famille ? Vous voyez Yochua, votre email comporte de nombreuses questions.

Vous me remerciez à l’avance pour le temps que je prends à vous répondre. Je l’ai pris pour vous encourager à approfondir tout cela en consultation.

Les fantasmes sont-ils permis ?

Dans les rapports sexuels vous dites qu’on doit diriger nos pensées vers le partenaire. J’ai consulté une sexologue qui m’a dit d’utiliser les fantasmes pour faire monter l’excitation. Elle suggérait aussi de faire des lectures érotiques. Quelle est la place des fantasmes dans la sexualité au regard du judaïsme ? Sophia

D’après mes connaissances, le judaïsme encourage les partenaires à fantasmer sur le corps de leur conjoint, le plaisir et l’union qui se construit pendant la relation. Plus les pensées sont « ex centrées », et moins il y a « concentration ». Or, la concentration, tout comme l’exclusivité dans la relation, sont les deux éléments qui définissent la Kédoucha (la sainteté). Alors oui, les fantasmes peuvent vous mener plus loin que les 2 m² de votre lit. La question qui se pose est de savoir si c’est bien là que vous voulez arriver.

En ce qui concerne les lectures érotiques, je vous ferai un » kal va’homer » : si les livres de cuisine nous aide à varier nos menus, pourquoi les lectures sur le comportement sexuel ne nous aideraient pas à varier notre sexualité ? Les sources qui donnent une définition de la Kedoucha, parlent de l’obligation d’être concentré sur ce que nous faisons, avec la personne avec laquelle cela se passe, c’est pourquoi on pourrait argumenter que les lectures nous en dévient.

Je ne pense pas, car la lecture permet l’imagination, et l’imagination permet le renouveau dans l’intimité conjugale (comme dans la pensée en général). Il n’en est pas de même des films dont les scènes, parfois violentes, s’impriment dans le cerveau, bloquant l’accès à l’imagination et à l’effort d’interprétation, figeant les partenaires dans une technique qui ne parlent pas d’eux- mêmes, mais de ceux dont ils auront regardé les ébats.
Et même de cela je ne suis pas certaine, car alors que dire à ces couples qui ne parviennent à avoir une sexualité ne serait- ce qu’à la condition de voir ces films… Vous voyez, le débat n’est pas clos 🙂

Les rabbins, surtout les rabbins séfarades, parfois très ouverts en matière de sexualité, autorisent tout ce qui pourrait permettre aux couples de se retrouver et de s’aimer, quelque soit leur façon de s’aimer, et même si celle-ci s’éloigne du concept de Kédoucha. Vous voyez ici que les fantasmes, comme toute pratique sexuelle, pourvu que les deux partenaires demeurent dans le respect des goûts et des besoins respectifs, sont permis. Maintenant, vous trouverez toujours des autorités pour vous dire le contraire et vous proposer une sexualité très sobre, pour ne pas dire réduite.

Avec tous mes vœux Sophia de réussite dans vos amours 🙂

Je n’arrive pas à me marier…

Shalom, ma question va paraître un peu osé mais cela fais longtemps que je voulais vous la poser!!! Alors voilà, j’ai 28 ans, assez religieux et je ne suis jamais sorti avec une fille. Je ne suis toujours pas marié, les chiddoukhim que j’ai fait n’ayant pas du tout été concluant… La déprime et la frustration commencent à me ronger. Alors ma question est simple mais elle simplement le reflet de ma détresse de ne pas trouver mon mazal : est ce que j’ai le droit d’aller vois des femmes ?

Bonjour Arik

J’ai bien lu votre email et je vous félicite d’avoir posé cette question logique et intelligente. Vous êtes un jeune homme religieux et donc j’imagine que vous n’attendez pas de moi que je vous donne un réchout hala’hique. Je ne suis pas rav et je ne le ferai pas 🙂

La question que je me pose en tant que thérapeute serait plutôt « qu’est-ce qui ne va pas dans les rencontres que vous faites : choisissez-vous correctement ou acceptez-vous de rencontrer des jeunes femmes que l’on vous pousse à rencontrer mais que vous n’auriez pas choisies ? Vous-même, savez-vous quel type de femme vous recherchez, ce que vous avez envie de donner dans un couple ? Avez-vous envie de fonder une famille ?
Il est possible et légitime de répondre oui ou non à chacune de ces questions, c’est de votre vie dont il s’agit pas de la mienne, pas de celle de votre mère, ni de votre rabbin ni du pape : vous, que voulez-vous ?

J’accompagne les personnes en recherche de conjoint justement pour les aider à répondre de façon authentique et loyale envers eux-mêmes. C’est une sorte de coaching au processus de rencontre. Je vous invite à prendre rendez-vous avec moi pour approfondir tout cela en consultation.

Ma femme ne veut pas faire l’amour

Ma femme ne veut plus faire l’amour avec moi. Nous nous disputons souvent pourtant on s’aime toujours. Nous sommes toujours tendres l’un envers l’autre ; nous aimons nous caresser, nous toucher, nous embrasser, nous prendre la main. Que faire ? Jérémie

Vous expliquez ce qu’il se passe entre votre femme et vous, et vous décrivez ce que vous avez observé :

  • elle ne veut plus faire l’amour avec vous
  • vous vous disputez souvent
  • vous vous aimez toujours
  • vous êtes toujours tendre l’un envers l’autre
  • vous aimez vous caresser, vous toucher, vous embrasser, vous prendre la main

Mais vous ne parlez à aucun moment de ce que vous ressentez, vous ne vous (me) posez pas la question sur ce qui a pu se passer entre vous deux pour aboutir à cela, ni comment vous gérez cette situation et votre frustration. Pas plus que vous ne faites part de ce que, elle, elle ressent ; vous ne mentionnez pas ce qu’elle dit, ni ce qu’elle propose, et comment elle envisage l’avenir avec vous si vous restez au stade d’une relation… Adolescente.

Il est possible que quelque chose se soit passé entre vous, que vous n’avez pas vu, tout comme maintenant, vous ne voyez pas ce qu’il se passe dans la relation, dans le lien qui vous unit. Il est également possible que vous ne parliez pas assez ou que vous ne vous compreniez pas bien…

Je pense qu’il serait bon d’approfondir tous ces points, ensemble, vous et elle, et au besoin, si vous n’y parvenez pas, vous faire aider par un spécialiste de la relation de couple et conjugale.

Ma femme s’ennuie et moi je n’en peux plus

Nous sommes mariés depuis quelques années et je suis heureux avec mon épouse en général. Nous avons des enfants un peu dur (mais là n’est pas mon problème). Et je dis bien « mon » problème, car malheureusement je ne suis pas du tout satisfait sexuellement. Même si je sais que l’homme a besoin en moyenne plus de rapports sexuels que la femme, pour ma part je le vis très mal ; ma femme ne vient jamais vers moi, cela vient toujours de moi j’essaye de lui faire des petites attentions ou de longs préliminaires. Rien n’y fait. Et même des pratiques qu’en général les femmes sont censée aimer, elle les repousse. Que dois-je faire y a-t-il un comportement à avoir ou dois-je vivre avec cette frustration toute ma vie!! Merci pour votre aide. Yossef Yts’hak

Vous désirez consulter parce qu’il vous semble que votre femme et vous n’êtes pas sur la même longueur d’onde au sujet de la fréquence des rapports sexuels.  Vous ressentez également la nécessité de parler de sa difficulté à exprimer le désir qu’elle a pour vous. Il vous semble que vous faites de nombreux efforts, mais que cela ne mène nulle part, vous êtes toujours celui qui initie l’intimité conjugale.

Tout d’abord je vous félicite d’avoir pris l’initiative d’en parler, car vous avez raison : la relation sexuelle est, comme l’expliquent nos ‘Ha’hamim et les professionnels de la psychologie, le fondement de la relation de couple. Il n’est donc pas question de se contenter de quelque chose de médiocre.

En vérité il y a aurait plusieurs pôles de réflexion :

  1. Qu’un professionnel parle à votre femme afin de comprendre ce qui la retient. Quelle est la source du blocage. Vérifier la façon dont elle a été préparé au mariage (souvent défectueuse et seulement technique). Car pour un nombre encore trop grand de femme, la sexualité est quelque chose qui n’est ni très propre ni très kadoche. Votre femme a peut-être besoin d’étudier en profondeur les sources de la Thora qui parle de sexualité (pensez aux stages en Israël et en France que je propose).
  2. Vérifier la façon dont vous vous y prenez quand vous désirez un rapprochement. Même si vous faites des efforts, peut être que quelque chose la bloque. Vous dites que même ce qui est accepté par la majorité des femmes, elle ne veut pas en entendre parler. De quoi s’agît-il exactement ?
  3. Vous parlez aussi de vos enfants, qui vous donnent des soucis. Cela peut tarir le désir d’une femme quand la fatigue est à ce point. Et du coup, il est important de s’interroger sur la cadences des naissances et l’état psychologique et physique de la maman.
  4. Enfin, vous demandez si vous allez souffrir jusqu’à la fin de votre vie, ce n’est pas une attitude très ‘hassidique et je pense qu’il y a mieux à faire, comme consulter un professionnel du couple juif !

Vous voyez, il y a de nombreuses questions auxquelles je ne peux répondre qu’en consultation… Le mieux étant de vous entendre en séance chacun de votre côté, puis au moins une fois ensemble. Vous pouvez de notre échange avec elle, ou préparer auparavant cette conversation avec moi. Il est bien possible qu’à l’issue de cela, elle ait envie de s’ouvrir et de consulter, ce qui a toujours pour effet de rapprocher les époux.
Si vous vivez en France, vous pouvez consulter par téléphone ou sur chat room ou par web cam. Si vous êtes en Israël, je consulte en face à face, à Jérusalem et à ‘Hadéra.

Je n’ai pas envie d’aller vers mon mari

Voilà j’ai la chance d’avoir un mari avec qui je m’entends bien sexuellement mais mon problème c’est que j’ai été victime d’attouchements à l’âge de 6 ans, puis, 2 ans plus tard, mon frère a abusé de moi. Depuis que je suis mariée, je suis toujours réticente. Je n’arrive pas à aller vers lui, je préfère dormir. Alors je culpabilise car cela peine mon mari, mais je n’arrive pas à me faire violence. Que me conseillez-vous de faire ? Karine

Bonjour Karine

Vous expliquez que vous avez du mal à faire le premier pas. Exprimer votre désir n’est ni naturel ni facile. Le blocage est peut-être à plusieurs niveaux. Je vais en développer quelque-uns et vous invite à y réfléchir et vérifier ce qu’il en est vraiment :

Ce qui bloque le désir

  • Vous n’êtes peut-être pas assez à l’écoute de vos émotions ni de votre corps ; vous ne savez pas repérer votre désir ou votre besoin de rapprochement, de tendresse, de lien et d’intimité sexuelle qui existe pourtant bel et bien.
  • Vous ne prenez sans doute pas assez le temps d’être à l’écoute de votre mari et de repérer les signaux qu’ils vous envoient lorsqu’il est en demande, si bien que c’est toujours lui qui doit faire le premier pas (ou quand vous les avez repérés, vous n’en faites rien).
  • Vous dites que vous préférez dormir, ce qui est une activité solitaire qui ne nourrit pas le lien entre vous et lui ; il peut vivre tout cela comme un rejet ou un manque d’amour quand bien-même il connaît votre blocage : il y a un jour ou la connaissance du problème ne suffit plus : il faut le résoudre.

La sexualité est la base de la relation de couple : elle seule permet de renforcer de cette façon si particulière le lien qui unit le couple : (lire le dossier « Chalom Bait« ). Mais savoir cela, n’est pas tout : la connaissance ne permet en général pas de changer les choses malheureusement. Lorsque des faits graves ont été subits, agressions sexuelles et viol, pendant l’enfance en particulier, cela rend les choses encore plus sensibles et la blessure est encore plus profonde. Pour cela, il n’y a pas d’autre solutions que de consulter : seul le travail thérapeutique peut réparer et panser les blessures.

Dans votre mail Karine vous dites culpabiliser et ne pas réussir à vous faire violence : prenez conscience de cette expression que vous employez. Il serait préférable de dire « je n’arrive pas à trouver une façon de régler ma difficulté » ou « je ne sais pas comment m’y prendre » : vous vous servez des même mots que ceux qui décrivent ce que vous avez subi : la violence. Vous avez subi la violence et aujourd’hui, il vous semble que c’est par la violence que viendra la solution. Pas étonnant que vous préfériez dormir.

Vous me demandez que faire Karine, et bien, pour toutes ces raisons que je viens d’énumérer, je vous conseillerais de consulter afin de vous occuper de votre souffrance et permettre aux sentiments que vous avez l’un pour l’autre de s’exprimer librement et sans heurts.

En vous souhaitant bon courage et Hatsla’ha.

II. Judaïsme et masturbation

Suis-je poussé à me marier afin d’arrêter

Terriblement perturbé par l’interdiction de masturbation pendant un célibat prolongé que faire, alors que des chidoukhim se font et tardent… Par ailleurs, cette tension brouille les cartes quant au choix du conjoint. Gabriel

Il n’existe pas de source tout à fait claire dans le ‘houmache sur l’interdiction de la masturbation (voir les réponses ci- dessous). Les phrases sur lesquelles on se base pour valider cette interdiction peuvent être interprétées différemment. Cependant, la plupart des rabbins l’interdisent avec force et la condamnent sans appel.

L’absurdité de la pression faite sur les jeunes, c’est que tous les adultes de leur entourage (professeurs, rabanim, plombier, boulanger, eux, et leurs épouses) tous s’y adonnent. Tous sont des êtres humains avec un corps qu’ils ne domptent pas toujours comme ils le veulent : personne ne peut toute sa vie s’abstenir de la masturbation. Il est important de le préciser car les jeunes gens pensent qu’il suffit d’être marié pour que le besoin de masturbation soit évacué.

On peut s’élever contre cette immense injustice faite aux jeunes quand on leur répète qu’il « vaut mieux se marier que de se masturber » ; mais il y a pire, qui est d’encourager à se marier pour ne pas coucher en dehors du mariage.

Vous soulignez fort justement que cela brouille les cartes. On ne peut choisir sereinement quand on est en manque, c’est clair. Mais j’irai plus loin pour suivre votre idée : votre entourage interdit-il la contraception les premières années du mariage ? Et du coup, vous vous trouverez à devoir réfléchir sur cela aussi.

Vous parlez également des chidouhim qui semblent ne pas se passer comme vous le voulez et rendent l’attente encore plus inconfortable et votre question plus brulante. Je ne vous donnerai pas de réponse Gabriel, encore moins de psak din puisque je ne suis pas rabbin, je préfère vous aider à réfléchir en vous invitant à vous poser encore plus de questions. Je pense que c’est plutôt cela qui vous éclairera sur les choix que vous allez faire. Avec mes encouragements.

1 an 1/2 que j’ai cessé et peur de craquer

Je suis un jeune homme religieux, 28 ans et encore célibataire. Ma question est un peu naïve mais j’aurai voulu savoir s’il est normal que je pense tout le temps au sexe!!! J’ai réussi à cesser la zera levatala depuis environ 1 an et demi. Mais mon célibat engendre une frustration que j’ai de plus en plus de mal à supporter. Bien sûr qu’au fond de moi je ne souhaite qu’une chose, c’est de fonder un foyer avec une femme extraordinaire où le chalom et la sainteté seraient les piliers centraux. Mais je ne vous cache pas qu’avec cette obsession j’ai vraiment peur de succomber à mes tentations d’aller voir des femmes que je paierais. Daniel

Cher Daniel, votre témoignage est à la fois émouvant et grave… Oh ! Pas parce que vous vous êtes enfoncé dans les affres de l’enfer, mais parce qu’on vous le fait croire, faisant de vous un homme hyper dépendant, non au sexe, mais à une image de vous-même très triste…

Origines bibliques de l’interdiction de masturbation

=> Pentateuch (Genesis 38:9) : וידע אונן כי לא לו יהיה הזרע והיה אם בא אל אשת אחיו ושחת ארצה לבלתי נתן זרע לאחיו

=> « Il n’existe pas dans la Thora un verset qui interdit la masturbation et cette faute ne fait pas partie, d’après la grande majorité des sages, des 613 commandements. D’après certains, il s’agit d’un interdit rabbinique ». Rav Botshko.

=> Il y a bien dans le ‘houmache l’histoire d‘Er et Onan qui a donné lieu à l’injonction de ne pas « verser sa semence en vain ». Mais elle n’est pas suivie d’interdiction (dans le sens « tu ne feras pas »). On déduit de ce passage une ligne de conduite, mais pas une interdiction ; ainsi, on ne trouve nulle part « et tu ne te masturberas pas » dans la liste des 365 commandements négatifs. A fortiori, dire que cette avéra est ‘Hayav Karet est totalement faux : il y a 36 fautes pour lesquelles on est Hayav Karet, celle-ci ne fait pas partie du compte.

=>  Zohar : la masturbation mène au gehinom
=> Le Ari HaKadosh dit que c’est à cause de cela que nous sommes encore en Galout
=> Rabbi Zalman de Lyadi, (Tanya 7) dit que cela est plus grave qu’une relation extra conjugale.

=> Le traité Nida 13 du Talmud וירע בעיני ה’ אשר עשה, וימת גם אותו , fustige ceux qui sortent leur semence avec leur main. Certaines sources rabbiniques (et donc une interprétation des textes, non le texte lui-même) vont encore plus loin et précisent : celui qui ferait cela mérite la mort, celui qui ne fait que se toucher au dessous du nombril mérite qu’on lui coupe la main. On trouve aussi dans la même veine l’affirmation de Rabbi Eliezer : « celui qui se tient le membre pour uriner amène le déluge sur le monde ».

=> Nathaniel Zerbib : sur le plan moral il n’y a aucun rapport entre la faute telle qu’elle est commise de nos jours avec celle relatée dans le texte biblique.

=> Sefer Hassidim : Un homme marié qui est pris d’un désir fort qu’il ne peut contrôler, doit plutôt se masturber que d’avoir une relation avec sa femme nidda, faute qui est punie de Karet

=> Le Choul’han Arou’h, Even Haézèr, chapitre 23, explique que c’est le péché le plus grave de toute la Torah

Aspects psychologiques et intellectuels de l’interdit

Conséquences secondaires de cette interdiction sur la santé mentale, physique et spirituelle. Postulons, comme vous le dites, que la masturbation est mauvaise et qu’il faut cesser cette pratique.
Il y a deux effets secondaires à cet arrêt qui sont éminemment déplorables et dangereux :

1) Pour vous-même

L’accumulation des tensions et pulsions sexuelles développe un comportement compulsif et obsessionnel qui a forcément des répercussions sur votre vie et votre santé professionnelle, affective, intellectuelle et spirituelle.

Santé spirituelle : non pas parce que Dieu s’éloigne de vous, ça c’est ce que certains vous font croire, mais parce que votre culpabilité et l’image hyper négative que vous avez de vous-même vous rend moins enthousiaste pour l’étude de la Thora et vous fait croire que vous ne méritez pas de vous rapprocher de Dieu (Il est tout aussi faux de croire que Dieu, Lui, se soit éloigné de vous).

Santé psychologique : plus vous pensez que la masturbation est interdite et plus vous pensez… À la masturbation ! Ce n’est pas une façon efficace ni réaliste d’aborder le problème. Je vous conseille bien plus de développer des activités et des relations affectives et amicales de qualité, c’est cela qui va vous faire du bien et vous apaiser, pas de penser à la masturbation et à ses interdictions, ce qui développe par contre de façon certaine la masturbation mentale !

Par ailleurs, l’interdiction que vous vous infligez a pour conséquences de ne plus vous toucher, et l’on peut aussi affirmer de ne plus être touché par vous-même. Ne plus vous toucher à des conséquences graves car elle vous déconnecte de votre corps et de vos émotions, puisque les émotions laissent une empreinte très forte dans chaque cellule de notre corps. Comment pourrions-nous imaginez que cela n’aura pas des conséquences graves sur votre équilibre mental?!!

Ne pas se toucher, c’est aussi ne pas être touché par moi-même, au sens d’être touché par la partie de nous-mêmes qui souffre. Or, si nous ne sommes pas touchés par nos difficultés et ce qui fait de nous des êtres humains, qui le sera à notre place ?

Santé physique : les tensions inouïes que vous développez auront des répercussions inévitable sur le bon fonctionnement de vos organes. Vous trouverez d’excellentes lectures sur le net sur le sujet.

Santé intellectuelle : vous ne pouvez pas à la fois avoir l’esprit libre pour réfléchir, et l’esprit occupé par l’interdiction de la masturbation. Vous perdez donc un temps précieux à réfléchir sur des choses sérieuses qui pourraient vous faire avancer.

2) Pour la société juive

La fréquentation des prostituées, comme alternative aux tensions et pulsions sexuelles, développe et maintient une place terrible de la femme objet de plaisir, alors qu’elle est le fondement de la société et du plan divin. Ainsi, le remède que vous avez trouvé (l’abstinence ou le paiement de prostituées) est bien plus dévastateur que le mal lui-même (la masturbation).

Mon rébé a fêté avec moi l’arrêt de Zéra lévatala

Bonjour,  j’ai 19 ans et je fréquente une communauté Breslev. Je suis Baalé téchouva, et j’ai lu de nombreux ouvrages Breslev sur l’interdiction de Zéra lévatala, j’ai beaucoup prié et fait hitbodédoute, et grâce à cela je suis abstinent. Ce chabbat, il y avait un tish, et le Rebe m’a demandé si j’étais « chomer habrit ». J’ai dit oui, et il m’a pris par la main et a dansé avec moi en chantant « il est chomer habrit, il est chomer habrit »… J’étais tout fier et en même temps je ne sais pas, j’étais très mal à l’aise,  je voulais en parler… Liran

Tu n’humilieras pas ton prochain

L’expérience que vous avez faite Liran est un concentré d’humiliation en public, de manque de tsniout, d’exhibitionnisme et de voyeurisme… Pas de votre part, mais de la part de ce que vous appelez un Rébé, et qui, de toute évidence, en pervertit le sens.

Ce que vous racontez rappelle à quel point la masturbation et la faute qui s’y attache y sont devenues une obsession. Je voudrais vous faire faire un exercice de visualisation : imaginez le stade de France et Johnny Haliday hurlant dans son micro « il ne se masturbe plus, il ne se masturbe plus »!! Vous trouvez que j’exagère, mais où est la différence ? L’un se passe devant des milliers de personnes, l’autre devant plusieurs centaines.

Ce que vous décrivez témoigne d’un manque absolu de tsniout : comment peut-on parler de la sexualité d’une personne devant un groupe entier ? Et que pensez-vous qu’il se passe dans les esprits fiévreux des hommes présents au moment de votre danse, regardant leur chef, un homme, parlant de la masturbation d’un autre homme, un jeune homme… Cela vous fait  penser à quoi ? Si je vous parle du gâteau au chocolat de ma grand-mère, dois-je m’attendre à autre chose qu’un désir de le goûter s’empare de vous ?

Liran, vous dites que vous ne savez pas pourquoi cette expérience vous a mise mal à l’aise, et je pense qu’il s’agit là d’un sursaut de conscience et d’esprit d’analyse, quelque chose en vous n’a pas voulu se laisser prendre entièrement à cet étalage de pensées malsaines en public dont vous avez été l’objet. Ce n’est pas parce que cet événement a eu lieu dans un milieu religieux qu’il n’en est pas moins monstrueux.

Sauvez-vous de ces expériences Liran et revenez à un judaïsme apaisé et raisonnable et consultez un thérapeute si vous ressentez le besoin d’évacuer tout cela. C’est à ce genre de situation que s’applique la Braha du matin « barou’h… hanotene leav’hin ben Yom ou veine leila ». Béni sois-tu mon Dieu, qui m’a donné la capacité de distinguer entre la lumière et l’obscurité.

Comment comprendre la définition de Onan

Certains sites manient la crédulité du lecteur avec brio. yehoudi.com le fait également quand il écrit :
Que veut dire « Onan corrompait sa voie ? Cela veut dire qu’Onan avait des rapports incomplets avec sa femme et répandait sa matière séminale à l’extérieur. Le nom Onan veut dire masturbation ».

Non. C’est de l’interprétation pure et simple : Onanisme est un terme qui, avec le temps, a désigné la masturbation ; mais dans les textes on nous raconte l’histoire d’un homme qui éjaculait en dehors du corps d’une femme afin de ne pas donner de postérité à son frère tel que le lévirat le demande : point !

L’auteur ne dit pas qu’Onan a fait cela pour éviter de suivre l’injonction du Lévirat, et non parce qu’il avait des pensées et une intention de rechercher un plaisir solitaire.

L’auteur poursuit, dans sa manipulation avérée en ajoutant tout de suite après : la peine capitale de « Karet » (retranchement) apparaît dans la Thora comme châtiment appliqué à toutes les fautes sexuelles ».  Il ne précise pas bien ce qu’est une faute, encore moins une faute sexuelle, mais sous-entend que la masturbation en est une sans le prouver… De là à relier la masturbation avec la peine de de Karet, il n’y a qu’un pas que son auteur franchit.

Ressources

Quelques textes sur les sources Brelev de la masturbation: une liste hallucinante de sources sur la masturbation, mais surtout sur la répression, le gehinom, le mal et le péché. Ce site est remarquable par la manipulation que l’on fait faire aux écrits ; voyez-vous même le crescendo, et comment l’auteur manipule l’internaute et fait dire aux textes ce qu’il veut.

Un article de Malka Barneron © copyright 2005-2020
Pour consulter ou témoigner sur ce sujet

Vérification que vous n'êtes pas un robot : cochez les sommes égales à quinze