Comment bien communiquer

Étymologiquement, communiquer vient du latin communicare qui signifie « être en relation avec ». Communiquer, c’est proposer une information qui sera mise en commun entre l’émetteur et le récepteur. Rares sont les personnes qui communiquent bien naturellement. La plupart d’entre nous pouvons grandement améliorer nos techniques de communication.

Bien communiquer c’est être attentif à l’autre, ouvert, réceptif et curieux. Et en même temps, c’est être à l’écoute de nos émotions, dire ce que nous pensons réellement sans peur et sans gène. C’est un vrai talent qui est assurément accessible à tout le monde et que l’on peut apprendre à n’importe quel âge.

On distingue deux types de messages

Le message verbal: Il est clair et précis. Et le message non verbal: qui va subir le filtre de notre interprétation et donc prêter à confusion.

Exemple: mon mari me propose d’aller passer chabbat chez ses parents. Je peux répondre à cette proposition de deux façons, selon deux types de messages.

Message verbal: « je n’ai pas envie d’aller chez tes parents ce week end, je préfère rester à la maison ».
Message non verbal: je prends une longue inspiration, puis je souffle. Cela peut signifier « après la semaine que je viens de passer, je suis vraiment trop fatiguée pour aller chez eux » ou « il n’a pas compris que je ne les supporte pas » ou « bon, puisque ça lui fait plaisir« .

Étudier le « comment » et non le « pourquoi »

Étudier le "comment" et non le "pourquoi"Comment s’articule une communication entre deux ou plusieurs personnes? De quelle façon s’établit-elle? L’école de Palo Alto s’intéresse à ce qui se passe lorsque deux personnes communiquent, et non à « pourquoi cela se passe ». Ainsi, lorsque l’on analyse une relation, on ne cherchera pas à en connaître la genèse, on ne s’interrogera pas sur le passé des deux personnes, on se demandera plutôt « comment se font les échanges ».

Comment nous dialoguons plus que pourquoi 

Exemple de dialogue entre Paul et Rachel.
Paul: « Je me tais parce que tu es agressive ».
Rachel: « Je suis agressive parce que tu ne me parles jamais et que tu me bases ».

Il n’est pas fondamental de vérifier si c’est parce que Rachel est agressive que Paul ne dit rien, ou si c’est par ce que Paul ne dit rien que Rachel est agressive. Dans une optique d’apprentissage de relation saine et vraie, il importe peu de savoir qui a commencé. Il est préférable de se concentrer sur le ressenti de Paul et Rachel, sur leurs émotions, sur la façon dont leurs corps réagissent ou l’information qui est véhiculée. Puis on se demandera en quoi la communication est gelée et comment rétablir la relation.

La communication sera considérée alors comme système d’interactions en marche. Cette approche est intéressante à plus d’un titre car elle ne met jamais en cause les interlocuteurs. Elle ne s’intéresse qu’à leur relation. Elle n’est donc pas culpabilisante.

Que ce passe-t-il lorsque nous communiquons?

1. On ne peut pas « ne pas communiquer »

Ce que nous disons et ce que nous faisons, c’est communiquer

Tout ce que nous faisons est comunicationCe que nous ne disons pas, comme ce que nous ne faisons pas, c’est aussi de la communication. Lorsque devant la caisse d’un magasin, je prends une position droite comme un piquet, que je croise mes bras en regardant fixement le caissier. Je n’ai pas besoin de dire « ça va vous prendre encore longtemps, vous ne voyez pas que j’attends » car mon attitude reflète parfaitement mon irritation et mon impatience: j’ai communiqué mon insatisfaction. Et si j’attends paisiblement mon tour, observant la file des clients devant la caisse, je communique aussi.

Si, à mon patron qui me demande où sont ses clefs de voiture, je ne réponds rien, je communique encore! Dans chacune de ces situations, j’ai montré mon humeur, mon intérêt, ma conviction.

Communiquer, c’est donner une information sur soi

Sur ce que je suis (un homme, une femme, mon origine, mon histoire, ma famille) ce que je crois (mes valeurs, mes croyances, mes buts dans la vie), comment je vois les autres (et quelle importance je leur donne) etc. Revenons sur l’exemple du client irrité. On peut imaginer:

Messages non verbaux au quotidien

  • ce qu’il croit être: une personne importante, pressée et efficace (avec lui ce caissier ne serait pas resté longtemps à ce poste).
  • sur comment il voit les autres: il juge le caissier vraiment trop empoté et va jusqu’à s’interroger sur les capacités de l’employeur qui l’a engagé.
  • ce qu’il va faire: des choses importantes et fondamentales, à la différence du caissier.

2. Dans toute communication il y a le contenu et la relation

Il y a d’une part ce qu’il se dit et d’autre part ce que cela montre de la relation: c’est la méta-communication. Méta communiquer, c’est communiquer à propos de la communication. Prenons l’exemple d’un repas pris entre Suzanne et Jacques qui se retrouvent au restaurant. Le dialogue suivant porte sur la soupe qui manque de sel.

Un message sain donne priorité au contenu, il est simple et clair.

[Exemple] « Peux-tu me passer le sel s’il te plaît, je voudrais en rajouter ».

Un message compliqué: il ne donne pas l’information directement, il passe par une autre information. Exemples:

  • tu ne trouves pas que cette soupe manque de sel?
  • tu as pensé à acheter du sel?
  • tu ne trouves pas que les gens mangent de moins en moins salé?
  • ta mère non plus ne met jamais de sel, je me trompe?

Un message toxique: il établit un dialogue qui tente de régler plusieurs conflits en même temps, sans jamais les nommer, ou bien en les niant. Exemple:

  • et ben c’est ta sœur qui va être contente, c’est régime aujourd’hui: on mange sans sel!
  • c’est pour diabétique ton resto?

Messages parallèles éventuellement véhiculés par cette remarque

  • Tu m’emmènes dans ce restaurant diététique parce que tu me trouves des kilos en trop et tu voudrais que je sois aussi mince que ta soeur.
  • Tu m’emmènes dans le restaurant préféré de ta sœur, mais tu ne me demandes pas si cela me convient.
  • Tu n’as pas de considération pour moi.

3. Tout comportement en induit un autre

Une communication devient soit rétroactive, soit circulaire.
[Exemple] de communication circulaire entre Jacques et Suzanne: le comportement de Jacques va induire le comportement de Suzanne qui va agir à nouveau sur celui de Jacques, etc.

Suzanne: Et ben c’est ta soeur qui va être contente, c’est régime aujourd’hui, on mange sans sel ». Jacques: Mais qu’est-ce qu’elle a à faire ma sœur là dedans?
Suzanne: Ta sœur? Oh! Tu sais parfaitement de quoi je parle, j’ai bien entendu ce qu’elle t’as dit ce matin, que je devrais penser à faire un régime!
Jacques: Ben écoute, au lieu de pester contre elle comme toujours, tu pourrais l’écouter, c’est vrai que ça te ferait du bien un peu de régime…
Suzanne: parce que tu trouves que je suis grosse, c’est ça hein? Je vais te dire: tu vas l’avaler tout seul ta soupe. Elle jette la salière (éventuellement dans la soupe) et sort du restaurant.

4. Deux modes de communication: digital et analogique

Le langage digital

C’est une information claire ou une question qui appelle une réponse simple (oui, non).
Question: Veux-tu une part de gâteau au chocolat?
Réponse: Oui, merci

Le langage analogique

Il donne aussi une information, mais pas toujours claire. Il montre une intention, une émotion ou un état d’âme; il ne dit pas pourquoi cette intention ou ce sentiment existent; il ne les définit pas. [Exemple] si je dis: « c’est quoi ça, le truc jaune et marron, près du buffet »? Mon message donne une information sur le gâteau, mais ne le nomme pas; il ne dit pas non plus quelle relation je compte avoir avec ce « truc ».

La communication non verbale (mimiques et expressions corporelles) est un exemple de communication analogique. Je peux l’utiliser avec les adultes comme avec les enfants ou les animaux, qui eux-mêmes l’utilisent avec moi.
 [Exemple] mon jeune fils me prend les mains et se blottit contre moi. Quel est le message? Me demande-t-il un câlin? A-t-il besoin de protection à cet instant là?

La communication analogique peut être carrément ambiguë

[Exemple 1] Tsipora sort de la salle de bain, son peignoir entrouvert: est-ce une invitation vers David ou cela montre-t-il qu’elle est très pressée de traverser la chambre?

[Exemple 2] Georges apprend que sa tante a été hospitalisée hier; il rentre sa tête dans les épaules, il paraît contrarié et ne dit rien. Est-ce le choc de savoir sa tante en danger, ou le stress à l’idée de devoir réconforter ses cousins, ce qu’il a tant de mal à faire en général?

Pour clarifier un message, il faut traduire l’analogique en digital

  1. Ainsi, en venant vers moi, mon fils pourrait me dire: « papa, prends-moi dans tes bras, je suis triste, d’accord? ».
  2. David demanderait confirmation à Tsipora en disant: « j’aimerais bien que tu viennes t’asseoir à côté de moi maintenant, tu veux bien? ».
  3. Georges pourrait préciser en entendant la nouvelle: « j’espère que je vais avoir l’énergie suffisante pour leur apporter un peu de réconfort ».
  4. Au lieu de me contenter de pleurer en entendant mon frère hurler, je pourrais ajouter « j’ai peur quand je te vois dans cet état, et je suis en colère parce que tu n’en tiens jamais compte ».

5) Toute communication est symétrique ou complémentaire

Une relation symétrique « minimise les différences » entre les personnes, elle valorise la notion d’égalité. Exemples de relation symétrique: deux amis qui discutent, deux partenaires de tennis ou de jeu d’échecs, etc.

Une relation complémentaire « maximise la différence »: il y aura donc deux positions occupées par chacune des personnes: la position haute et la position basse. Exemples de relations complémentaires: les couples professeur- élève, patron- employé, etc.

Communication saine et communication pathologique

Une communication saine est une relation claire dans laquelle l’information circule bien. Il n’y a pas de double sens ni de contre message. Elle est suffisamment directe pour ne pas utiliser de symptôme l’invalidant ou pire, la rendant toxique. Étudions les différentes phases d’une communication.

1) Début de dialogue entre 2 personnes qui communiquent

[Exemple 1] Ester et Danièle décident de passer un moment ensemble à marcher. Au cours de leur rencontre, lorsqu’elle parle d’elle même et qu’elle méta-communique, Ester transmet des informations à Danièle: elle lui dit comment elle se sent, comment elle se voit. Par exemple, elle pourra dire: « je ne me sens pas bien aujourd’hui, je suis triste à cause de ma dispute avec Norbert et j’ai peur que cette promenade ne soit pas si agréable ».

[Exemple 2] Marion revient de l’école en pleurs: « j’en ai plus que marre de la prof d’anglais, elle s’imagine que je suis née à New York ou quoi? Elle veut que j’apprenne 50 mots à chaque leçon et que je lise le journal I love English toutes les semaines… je remets plus les pieds dans son cours.

2) Confirmation de l’information

[Exemple 1] Si Danièle répond: « c’est vrai que tu as l’air triste, mais ne t’inquiètes pas, cette promenade avec toi me plaît, nous pourrions en profiter pour que tu m’expliques ce qui ne va pas ». Danièle confirme ici Ester dans son identité. Cette confirmation est extrêmement positive car elle démontre à Ester que sa perception d’elle-même est correcte et qu’elle communique de façon adéquate.

[Exemple 2] Si la mère de Marion répond: tu es en colère après ta prof on dirait; j’imagine que ça n’est pas évident d’apprendre 50 mots par jour. Là, la mère de Marion confirme que ce que Marion décrit est vraiment ce qu’elle ressent.

3) Annulation de l’information

Principe: « Tu n’as pas raison quand tu dis que c’est vrai »: message tronqué, déformé, incohérent. Ce type d’information est donné par un esprit confus, mais convient également aux personnes qui refusent de s’engager ou de dire clairement leurs opinions. C’est le langage politique type: « nous ne laisserons pas le terrorisme dire qu’il est mieux de ne pas dénier le droit à la violence »… Cette affirmation conviendra parfaitement aux chefs de gouvernement qui s’engageront dans une diatribe concernant la démocratie, se gardant bien de discourir vraiment du terrorisme.

C’est aussi le langage de ceux et celles qui ne s’engagent pas dans une relation: « Ah non! Ne dit pas que je n’ai pas confiance en toi »… 🙁 alors, confiance ou pas confiance?
Revenons à nos exemple 1 et 2 et voyons ce que donnerait une réponse qui annule l’information.

[Exemple 1] Danièle répond: mais ne t’inquiète pas, d’ailleurs notre petite promenade ne vas pas durer longtemps… Lorsque Danièle dit « ne t’inquiète pas », cela signifie « ne te fais pas de soucis, je suis contente d’être avec toi ». Si elle ajoute « notre petite promenade ne vas pas durer longtemps », c’est peut être une indication qu’elle ne tient pas à ce que la rencontre s’éternise. Il y a ici un double message avec annulation ou imprécision de l’information; d’un côté elle dit « oui », de l’autre elle dit « non ».

[Exemple 2]  La mère de Marion répond: « mais non, je suis sure que tu l’aimes ta prof (vraiment?), d’ailleurs la preuve qu’elle veut ton bien (ce n’est plus ni moins que son job, l’affectif n’a rien à voir la dedans), elle te fait lire un journal pour que tu maîtrises l’anglais (il y a quantité de façons d’apprendre une langue). La mère de Marion lui renvoie une ou plusieurs informations qui annulent ce que dit Marion (« c’est dur, je suis découragée, cette prof m’énerve… »)

Le Symptôme n’est pas l’information

Un symptôme est un événement qui tombe à pic quand on ne veut pas dire ou faire quelque chose. C’est par exemple:

  • Danièle qui se tort la cheville dès le début de sa promenade avec Esther
  • Marion qui perdra sans cesse son journal d’anglais
  • Claire qui dira à Nicole, le dos voûté et la mine grise: « tu m’excuses de ne pas t’accompagner faire les courses, j’ai trop mal au dos pour marcher tout ce temps ».
  • Les soirées avec votre femme qui se transforment en soirées migraines, ou en pas de soirée du tout: Monsieur s’est endormi, ou Madame rentre tard du travail (ou vis versa).
  • Les terribles crampes dans le ventre de Yossi juste avant son interrogation de maths.

Le symptôme est un type de communication indirecte, c’est aussi de la méta-communication. Si l’on y prend pas garde, on risque d’utiliser systématiquement ce type de communication: le symptôme peut apparaître de façon chronique et ce mode d’expression peut devenir pathologique. Ce qui signifie qu’il sera choisi de préférence à tout autre type de communication dans une circonstance donnée (il sera choisi de préférence au style direct).

Quand le message ne passe pas

Le corps parle

Transmettre une information avec son corps est source d’erreur ou d’ambiguïté comme le montre l’exemple du couple Tsipora et David dont le système de communication n’est pas clair. Cependant le corps se manifeste, parfois de façon violente, quand les mots ne sont pas au rendez-vous… les maladies dites psychosomatiques en sont un exemple. Quand le message ne passe pas, le corps parle:

[Exemple 1] lorsque Tsophia a une crise d’asthme avant chaque visite chez ses grand-parents, elle doit s’allonger, rester au calme… ce qui lui permet de ne pas y aller; ça tombe bien car elle ne supporte plus qu’ils lui disent du mal de ses parents. Cela « l’étouffe » littéralement.

[Exemple 2] Yoni a bien dit à son papa que tonton Paul l’énerve à lui faire des guilis partout, son papa n’a pas cherché à en savoir plus. Yoni fait une terrible crise de calcul urinaire le jour où ses parents décident de l’envoyer en vacances chez lui. Yoni montre par son corps, que ça brûle là où tonton Paul fait des guilis. « Ces erreurs de traduction sont la source d’innombrables conflits humains »: après cette expérience, et s’il n’y a pas d’explication entre Yoni et son père, Yoni pourra bien juger que son père est négligent, qu’il ne lui donne pas la sécurité dont il a besoin. Il pensera peut-être que les adultes ont un pouvoir sur le sexe des enfants, et qu’il ne peut compter que sur lui- même.

Gagner la bataille, mais perdre la guerre

Lorsque Debby et Noa’h s’expliquent, ils se retrouvent systématiquement sur un ring: chacun des deux surenchérit afin de démontrer que l’autre à tort… ils ne lâchent jamais. C’est l’escalade symétrique où chacun monte d’un cran, ce qui peut dégénérer vers une violence verbale voire physique. Je veux avoir raison au risque de te perdre, je ne céderai pas au risque de nous détruire; et si chacun gagne des batailles, le couple, lui, perd la guerre. Le couple lui va dans le mur et peut aboutir au divorce.

Quand je ne te vois que comme je te vois

Quand je ne te vois que comme je te vois, tu ne te vois plus que comme je te vois. Dans une relation complémentaire, chacun a un rôle bien défini. Je fais A et tu fais B: c’est une condition obligatoire pour que notre couple AB fonctionne. Cela permet d’utiliser et de mettre en commun les qualités des deux partenaires, mais cela peut déboucher sur des situations dramatiques si cette complémentarité est le seul moyen de communiquer et de faire vivre la relation.

[Exemple] Si Levy continu à ne regarder Dina que sous l’angle de la femme stressée et jamais disponible, Dina risque bien, de devenir vraiment cette femme là. Elle se trouvera alors devant un paradoxe existentiel:

« Je dois être cette femme stressée et jamais disponible pour répondre aux attentes de Lévy, et peut être aussi pour ne pas le perdre. Mais en même temps, je ne veux pas être cette femme là, parce que je sens bien au fond de moi que je ne suis pas cette femme stressée et jamais disponible, et qu’à force d’être ce que je ne suis pas, je risque bien de me perdre… «  Oui, c’est bien compliqué!

Un article de Malka Barneron © copyright 2005-2020
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