Pourquoi les cours de chalom bayit ne servent à rien
Pourquoi les chiourim de shalom bait ne servent à rien et aboutissent au contraire à beaucoup de problèmes dans les couples. Comment cette belle intention d’aider a fini souvent par desservir le noble but d’aider les couples à mieux s’aimer.
Les cours de chalom bayit
Les cours sur la relation conjugale et l’harmonie dans le couple tendent à encourager les hommes et les femmes à développer leur aptitude à donner de l’attention à leur conjoint, être reconnaissant – akarat hatov, voir le bien chez l’autre, améliorer leur qualités humaines (midot), savoir se taire et être mévatère (ne pas toujours exiger, mais savoir s’effacer), et compter sur l’assistance divine – siyata dichmaya. Jusque là tout va bien, et on ne peut que se réjouir de ces conseils judicieux.
Travailler nos difficultés
Là où ça ne va plus, c’est que l’on occulte beaucoup la réalité du quotidien de très nombreux couples.
Certaines situations ne peuvent en aucun cas être modifiées par la seule accumulation de bonnes midot. On ne peut changer que si l’on modifie réellement son comportement et cela ne peut se faire qu’en se confrontant aux situations de conflits et de stress. Mais aussi, en se faisant aider par un professionnel, car lorsque la communication est tout à fait coupée, quand le lien entre les conjoints se distant, nous ne voyons pas bien la situation que nous vivons. Il nous faut un regard extérieur pour y parvenir.
Vouloir ce que l’autre veut
Nos Sages nous enseignent qu’une femme juste est celle qui « fait la volonté de son mari ». (Ossa ratson baala. J’ai trouvé sur un site web la traduction une « femme convenable« . J’en ai encore les cheveux hérissés.
La plupart du temps, l’explication est détournée de sa signification, car cette phrase ne veut pas dire qu’elle « fera ce que son mari lui dit de faire », mais qu’elle « fabriquera la volonté de son mari ». La traduction est évidemment mauvaise mais elle n’aurait pas été possible si une certaine culture religieuse ne l’avait pas permise. Ta’hless, ce qu’il faut retenir c’est que la femme joue une grand rôle dans la modification du caractère de son mari.
De l’interprétation au dérapage
Malheureusement, une femme qui se base sur cette mauvaise interprétation aura tendance à taire ce qui peut entrer en conflit avec ses propres besoins à elle. Elle sera de préférence « branchée » sur ce qu’attend son conjoint, ce qui est bon pour lui et comment lui faire plaisir. Souvent aussi pour lui plaire. Or, pour construire un bon chalom bayit, faire la volonté de l’autre est dramatiquement insuffisant.
De nombreux hommes aussi ont appris de travers: dans mes consultations je rencontre des hommes à qui l’on a dit qu’une fois marié, ils devaient se taire et faire ce que leur femme demande. Ainsi, maris et femmes ne sont plus du tout centrés sur ce qui est bon pour eux, n’y porte pas attention, et finalement, passent à coté de leur vie personnelle (im ein ani li mi ani.).
Quelques exemples
De l’importance d’apprendre « comment » changer
Ex 1: qui m’apprendra à gérer ma colère?
David est un homme doux et chaleureux, et il a compris que quand sa femme hurle, il vaut mieux qu’il ne s’en offusque pas trop. Les cours de chalom bayit lui ont enseigné que cela ne servait à rien de hurler lui aussi, et que le chalom viendrait avec de la patience et de la émouna.
A aucun moment, David n’a appris à faire baisser la tension. Et surtout à s’exprimer autrement que dans la colère. Autre chose: il ne va apprendre à dire à sa femme combien il souffre et à quel point il est effrayé par son comportement, qui pourtant le replonge 20 ans en arrière quand son père frappait sa mère.
De même, il ne lui dira pas combien son comportement à elle l’éloigne de lui. Il ne partagera avec personne la tristesse qu’a provoqué en lui ce couple qu’il a croisé, l’autre jour dans le bus, et qui se parlait avec intérêt, respect et tendresse sans hausser le ton.
Au niveau intime, David et Esther n’ont plus beaucoup de relations sexuelles, puisqu’il faut le dire, avoir une marâtre dans son lit est chose fort difficile. Les belles définitions du chalom bayit entendues en cours, n’ont pas transmis les outils pour se battre contre le poison qui mine leur couple. Parfois, l’orateur donne des indications, mais les participants ne savent pas les appliquer une fois rentrés chez eux.
Ex2: maltraitances et violences
Vous venez d’apprendre dans un chiour que la violence est interdite mais vous rentrez chez vous ensuite, et vous ne savez toujours pas contenir ces mots d’insultes, l’humiliation et parfois la violence que vous ressentez au fond de vous et qui vous échappe trop souvent depuis trop longtemps? Vous savez ce qu’il ne faut pas faire, mais vous ne savez pas comment faire. Tout comme vous ne savez pas quoi faire de votre frustration, déception, tristesse, sentiment d’humiliation et baisse d’estime de vous-même.
Ex3: comportement de soumission dans l’intimité
Je reçois de toutes parts des hommes et des femmes qui me disent: « ma madrehat kala m’a dit qu’au lit, je devais faire ce que mon mari veut, que c’est ça que Dieu attend de moi« . Concernant la façon de communiquer, les hommes témoignent : « Mon Rabin m’a dit que les femmes ont la larme facile et que Dieu est très dur envers les hommes qui font pleurer leur femme », alors je me la ferme ».
Forcément.
Quand la mitsva détruit le couple
Susie se raeppel: ma Rabanit m’a dit que la bra’ha ne venait que si j’acceptais les nechamot que Dieu me donne. Jen suis à mon 5ème bébé en 5 ans, grâce à Dieu, mais le soir, je n’ai envie que d’une chose: dormir! Batifoler, c’est pour le soir du mikvé, plus que ça, oubliez-moi ».
Ce genre d’enseignement se fait de plus en plus rare, mais son essence plane encore trop souvent dans les mentalités.
Déborah raconte: 19 mois après mon mariage, j’accouchais de mon deuxième enfant. Alors que je venais parler de contraception à ma rabanit, celle ci me répondit que pour elle, la pilule c’était le début de la freikeit (descente dans le niveau religieux). Ma rabanit était brillante, belle et érudite et je l’admirait. Son avis comptait. Mais à cet instant quelque chose en moi se brisa, et je me jurai qu’à partir de ce jour, je me servirai de mon cerveau pour décider ce qui était bon pour mon corps et mon équilibre mental.
Qu’est ce que le chalom bayit?
J’ai intitulé cette rubrique « pourquoi les cours de chalom bayit ne servent à rien »; j’aurai du écrire « pourquoi ces cours risquent-ils d’égarer les couples ». Construire un couple, c’est avant tout:
- savoir qui l’on est et qui est notre conjoint
- savoir lui parler et oser entendre ce qu’il pense
- respecter sa différence
- ne pas le diriger
- ne pas vouloir être ni son psy
- ni son maître
- ni son guide
- juste l’accompagner dans ce qu’il veut devenir, lui
Je vous propose d’expliquer 3 concepts couramment entendus dans les cours de chalom bayit et qui déconstruisent un couple dans le sens propre du terme.
Les 3 commandements du chalom bait
1. « tu façonneras ton mari comme tu le voudras »
Si le chalom bayit, c’est avant tout le respect, on pourrait ajouter que cette définition n’est ni plus ni moins la définition de « ahavat Israël » – aimer son prochain.
La communication et l’intimité du couple sont souvent orientées par ces petites phrases qui tuent lentement mais sûrement, rabâchées avec application tout au long des cours de chalom bayit: « c’est toi qui fera de lui ce que tu veux: sache que les femmes ont ce pouvoir là d’obtenir ce qu’elles veulent ».
Qu’est ce que cela veut dire? Que les femmes – le mot n’est pas joli mais il a le mérite d’être vrai- sont encouragées à manipuler leurs maris, à concevoir un moule dans lequel ceux-ci vont devoir entrer.
Une jeune femme est récemment venue me demander comment elle devait s’y prendre pour que son mari range son bureau comme elle le lui demandait. Ses yeux s’écarquillèrent quand je lui déclarais qu’il était juste hors de question que je fasse une chose pareille, et que j’allais au contraire lui apprendre à s’arranger avec les goûts de son mari. Je lui précisais que son désir n’était autre qu’un désir de contrôle, et que cela n’était pas sain.
Évidement, ce discours est exactement le contraire de ce que vous entendez dans les chiourim: tant pis…
2. « tu apprendras à renoncer »
Dans les cours de chalom bayit, on n’apprend pas aux couples à être authentiques, loyaux envers eux-mêmes, on leur apprend au contraire à enfiler l’habit insipide du gentil mari et de la gentille épouse. On leur apprend à faire yéouche, être mévater (renoncer, laisser tomber, ne pas insister).
Le plus souvent, ce comportement n’a rien à voir avec la générosité: c’est de la capitulation. On ne parle pas ici de négocier, d’essayer de comprendre les besoins de l’autre tout en prenant soin de nos propres besoins: on apprend à se taire… et l’on s’éteint, notre énergie vitale s’étiole, notre joie de vivre et notre relation par la même occasion aussi.
Je vis chez elle en fait
C’est ainsi que j’ai reçu cette année un couple dont la femme se plaignait que leur belle passion s’était envolée et que son mari n’avait jamais envie de rien: « ni recevoir des amis, ni sortir ». Elle en était très malheureuse parce qu’elle l’aimait et qu’elle voulait son bien.
Quand je demandais au mari s’il se reconnaissait dans la description de sa femme, il émit un petit gémissement et expliqua qu’il ne s’était jamais senti chez lui mais « chez sa femme », qui régentait tout. « Même mes chaussures je ne peux pas les mettre où je veux, je n’ai jamais mon mot à dire ni sur la déco ni sur l’éducation… je suis un meuble chez moi ».
Sa femme fut bouleversée d’entendre que tous les efforts qu’elle faisait pour avoir une maison pimpante et ordonnée était la source de la fragilité de son couple. Je lui demandais ce qu’elle ressentait après avoir écouté son mari (sans l’interrompre mais avec empathie, et en ayant l’intention de comprendre). Elle se tourna vers lui et dit : « si seulement tu m’avais dis cela plus tôt, moi qui pensais que je n’en faisais pas assez ».
Nous payons toujours le prix de notre déloyauté envers nous même
A mépriser nos besoins, nous développons chez notre conjoint agressivité, amertume et mépris. Nous nous détestons de devoir nous soumettre. En effet, la soumission supprime la personnalité de l’autre, . Elle ne porte que des mauvais germes, et n’a rien à voir avec la générosité du coeur et de l’âme qui grandissent quand on s’efface par moment pour donner la priorité à son conjoint. Une femme qui dira toujours oui, va déclencher une immense agressivité chez son mari, parce qu’à cause d’elle, il développe un comportement de petit chef et de petit dictateur (et vis versa bien sur).
3. »tu recevras sa famille autant qu’il te le demandera »
Dans une rencontre que j’avais organisé il y a quelques années, une des femmes présentes me demanda s’il était normal de ressentir de l’animosité envers sa belle famille qui venait tous les chabbat chez elle. Elle était triste de ne pas avoir de temps seule avec son mari et ses enfants, mais ne voulait pas faire de avérah en ne respectant pas ni sa belle-famille, ni son mari.
Je lui expliquais que si elle ne prenait pas ce temps indispensable à son couple, il se pourrait bien qu’un jour, elle cesse d’avoir envie de se trouver en compagnie de son mari. Qu’elle ne devait pas oublier qu’elle était aussi chez elle.
Lors de cette soirée, elle prit conscience de sa façon de fonctionner, et décida qu’elle allait commencer à prendre soin de ses besoins fondamentaux et légitimes. Lorsqu’elle revint chez elle je ne sais pas ce qu’elle dit à son mari, mais je sus plus tard que son mari lui avait « interdit » de revenir à mes ateliers. Ce qu’elle s’empressa de faire.
Il n’est pas étonnant que ces concepts déclenchent des vents d’indignation, voire des tornades… mais ces coups de vent ne font pas que soulever la poussière, il nous en débarrasse et apportent un air frais au couple; il est toujours dommage de zapper cette étape.
Mais alors, que faire?!!
Redéfinir ce que vous attendez de votre couple
Et vérifier seul, puis à deux, si cela est légitime ou non. Ainsi, il est légitime de passer la majorité de ses chabbatot avec ses enfants et son conjoint. Il n’est pas correct de ne jamais recevoir la belle famille: le foyer et le lieu d’habitation sont aux deux conjoints. (nous ne parlons pas des cas de comportement grave de la belle famille).
Prenons un exemple extrêmement commun: David et Esther sont mariés
depuis maintenant 7 ans, et David, grâce aux bons petits plats d’Esther, accuse 8 kilos de plus sur la balance. Esther explique qu’elle ne supporte plus que son mari la touche tant sa vue lui déplaît (oui, soyons honnête cela arrive) mais continue de plus belle à accumuler les calories, surtout depuis qu’elle prend ses cours de pâtisserie.
David se sent abandonné dans sa difficulté et Esther soutient que David n’a pas de volonté et que son éloignement est de sa faute. Dans ce conflit de besoin, le couple ne se parle pas, David et Esther attendent que la solution vienne de l’autre, qu’elle doit nécessairement venir de l’autre.
Le problème n’est ni défini ni exprimé, et n’étant pas formulé, il est impossible d’en sortir puisqu’on ne sait pas contre quoi l’on se bat. S’ils avaient pu se « parler vrai », sans crainte et sans rigidité, David aurait pu dire à Esther ce qu’il attend d’elle pour l’aider à perdre du poids; Esther aurait pu de son coté, comprendre qu’être en couple, c’est aider l’autre dans sa difficulté et de la manière dont lui le demande. Si David avait eu le courage de dire à Esther « j’ai besoin de réfléchir avec toi où va notre couple. J’ai besoin de savoir ce qu’il va vraiment arriver si nous attendons un miracle sans rien faire », alors le conflit aurait pu être désamorcé.
Digérez vos cours avant de les appliquer
Dans le cours de chalom bayit auquel a assisté Esther, elle a entendu qu’il faut accepter son mari quoiqu’il fasse, et elle a interprété: « il grossit, je ne peux rien faire« . Si elle applique les recommandations qu’on lui a enseigné avant le mariage, elle se répétera qu’ « une femme ne se refuse pas à son mari« . On voit le drame intérieur qui se développe ici: elle ne fait rien pour aider David à maigrir, mais en même temps, paradoxalement, elle va rejoindre son mari au lit comme on va à l’abattoir.
Parce qu’elle a aussi lu dans les magazines qu’une femme doit s’imposer, elle continue à ramener à la maison 3 fois par semaine les délicieux gâteaux qu’elle réalise à sa formation de pâtissière.
La boucle est bouclée, et le couple à construit tout seul les chaînes qui le mènent vers une crise de plus en plus grave. S’ils avaient eu le courage de parler de leur différents, de leurs frustrations et de leurs limites, ils auraient commencé depuis longtemps à prendre soin d’eux-mêmes, de leur conjoint et de leur couple.
Parlez, avec la bonne méthode
Parler, se parler, s’écouter, accepter que ce que votre femme voit est au moins aussi valable que ce que vous voyez avec votre champs de vision à vous.
Lui laisser sa place
Apprendre à vous retirez, non pas pour entrer dans un trou de souris, mais lâcher prise et travailler à ne plus vouloir maîtriser la vie de l’autre.
Se réjouir de sa liberté à faire ce qu’il aime sans risquer votre furie, sans préférez cacher des informations de peur que vous rugissiez, et si possible partager sa joie de faire des choses… qui ne vous appartiennent pas qu’il ne veut pas forcement partager avec vous.
Lâcher prise, cesser de vouloir contrôler son coeur, son esprit et son âme et de le façonner à votre image: vous n’êtes pas Dieu!
Développer un bon chalom bayit, c’est savoir avant tout qui nous sommes, être courageux et authentique, assertif et généreux, attentif et bienveillant et surtout surtout, ne pas vouloir faire de votre femme ou de votre mari votre clone.
Les cours ne servent vraiment à rien?
Non, bien sur, il servent à quelque chose quand ils restent centrés sur ce qu’apporte le chalom bait, sur l’importance d’être heureux dans la vie et de se sentir satisfait de nos choix de vie. Alors le conférencier va allumer la petite bougie qui est là, prête à scintiller durablement, il va réveiller ses auditeurs. S’il déclenche en vous l’envie de travailler votre couple, si vous y comprenez comment vous entretenez une relation décevante, oui. Si vous sortez avec une liste de ce que votre conjoint doit faire: non.
Mais où apprendre tout cela?
En intégrant des groupes de développement personnel où les participants apprennent à écouter, à s’exprimer, à entendre l’opinion de l’autre sans chercher à la supprimer. Mais au contraire à comprendre ce qui peut en être retenu: parler avec des personnes qui ne vous ressemblent pas, en particulier sur vos convictions politiques et religieuses, (là où ça fait bien bien mal 😉 Tout le reste, disait ma grand même, n’est que boïbé maassé, des histoires qui n’ont pas de sens.
Stage sur la communication non violente. CNV en France, en Israël et en visio conférence.
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